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Morts, mais tolérants

Jacques Perrin
La Nation n° 1993 16 mai 2014

Notre époque apprécie les prédictions, les planifications à très long terme. L’horizon vaudois se dessine jusqu’en 2030. La population va croître, on construira des tours (sauf la Taoua), on «densifiera». Le monde, lui, se projette en 2050.

Que valent les prévisions des experts? Nous n’en savons rien. Comment nos ancêtres voyaient-ils les années 50 en juillet 1914? Croyaient-ils, comme nous aujourd’hui, que tout irait pour le mieux, selon un développement linéaire? Ce serait un joli sujet d’étude.

Dans L’Hebdo du 17 avril, M. Charles Poncet adresse une lettre ouverte à Marine Le Pen. Il commence par faire l’éloge de l’une de ses dernières prestations médiatiques. D’après l’avocat genevois, les propos de la présidente du Front National reflètent les inquiétudes des gens concernant l’Union européenne, la mondialisation, l’islam et l’immigration. Les remèdes qu’elle propose lui paraissent cependant «plaisants, mais vagues». Il ne peut être question de revenir à «la France catholique, agricole et vertueuse de la IIIe République». Poncet conclut: «Vos salmigondis cocardiers […] ne sont que des attrape-couillons.»

Peut-être a-t-il raison, à cette réserve près que la France d’autrefois n’était pas si vertueuse, mais un autre aspect de sa lettre retient notre attention.

Poncet met le doigt sur le problème essentiel dont tous les autres découlent. L’Europe souffre d’une démographie insuffisante. Naguère, les nations occidentales dominaient le monde en y déversant leurs surplus de population. Même l’Italie, pays pacifique, essaima ses ressortissants pauvres des Etats- Unis à l’Australie, de l’Argentine au Canada.

Aujourd’hui, les peuples africains croissent et l’Europe décline. Un phénomène de vases communicants se produit auquel rien ne s’oppose, ni le Sahara, ni la Méditerranée, ni les pauvres moyens mis en œuvre par les pays riverains pour freiner les migrations. Selon Poncet, en 2050, «l’Europe sera donc copieusement à peau noire et musulmane».

Effectivement, si les «processus» en cours se poursuivaient, la prédiction de Poncet se réaliserait.

Comment le libéral ressent-il la situation? Envisage-t-il une riposte? La perspective d’une Europe musulmane ne l’enchante pas, «car», dit-il, «à tout prendre, les curés de mon enfance tout bornés et tyranniques qu’ils fussent, valaient mieux que leurs émules coraniques». Poncet conseille alors à Marine Le Pen de «cimenter» quelques principes: laïcité, démocratie, droits des femmes, tolérance, libertés individuelles, marchés ouverts, Etats assainis. Voilà la réponse aux «inquiétudes du temps».

La position de Poncet nous surprend. Il assume en quelque sorte l’idée du «grand remplacement», selon laquelle les peuples blancs et chrétiens seront bientôt supplantés sur leur propre sol par des ethnies venues d’ailleurs, doctrine qui attire la haine médiatique sur ses apôtres français, Renaud Camus, Eric Zemmour ou Alain Finkielkraut. Ensuite il imagine une parade: le libéralisme. Si l’on comprend bien, il s’agirait de convertir d’ici à 2050 les vagues d’immigrés à l’humanisme athée et à l’économie de marché, afin qu’ils nous ressemblent le plus vite possible, se transformant en individus avides de droits, en consommateurs avertis. Mais qui opérera cette conversion puisque nous autres, chrétiens blancs, sommes appelés à disparaître? Sera-ce la tâche des cinquante mille centenaires que le Matin dimanche du 27 avril nous promet pour… 2050? Et les nouveaux venus seront-ils si malléables? Paieront- ils, comme on le croit, notre AVS?

Bien que M. Poncet admette que les musulmans ne sont pas des enfants de chœur (c’est le cas de le dire…), il pêche par insouciance, naïveté et orgueil.

Nous autres occidentaux croyons que notre civilisation est parvenue au sommet de ses potentialités grâce à la démocratie. Nous pouvons mourir, cela nous est bien égal, puisque nous léguons au monde des «valeurs» qui nous survivront: les droits de l’homme (pardon, les droits «humains»), les «élections libres», les nouvelles «technologies» de la communication, le rap, les réseaux sociaux, l’idéologie LGBT, les hypermarchés, les «quartiers sensibles», bref toutes ces belles réalisations concomitantes à notre déclin.

Nous sommes finis, mais si tolérants!

Un mot de Philippe Muray résume toute l’affaire: «Nous vaincrons, car nous sommes les plus morts.»

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