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1974

Jean-Blaise RochatChronique vaudoise
La Nation n° 2000 5 septembre 2014

L'année 1974 ne laisse pas le souvenir d’événements sensationnels dans notre pays: on inaugure le tronçon Lausanne- Chexbres de l’A9 et l’ouverture des grottes de Vallorbe.

Les élections au Conseil d’Etat portent MM. Junod, Perey, Debétaz, Bonnard, Ravussin, Aubert et Gavillet au pouvoir. Dans les vignes, les mois de septembre et d’octobre exceptionnellement froids annoncent un millésime médiocre.

Le vrai événement est dans les librairies: la parution de L’Eté des Sept-Dormants de Jacques Mercanton. L’éditeur est jeune, et il a du flair: Bertil Galland a été pendant une décennie le directeur des Cahiers de la Renaissance vaudoise. A soixante-quatre ans, Mercanton n’est plus un jeune auteur. Le vaste roman de près de 600 pages qu’il offre au public est une œuvre patiemment mûrie. Quelles que soient leurs qualités, les romans précédents apparaissent rétrospectivement comme les étapes préparatoires à l’éclosion de ce dernier chef-d'œuvre. En 1981, Bertil Galland éditera encore les deux tomes d’essais sur la littérature classique, Le siècle des Grandes Ombres, au titre magnifique et prometteur (promesse tenue!). Puis plus rien jusqu’en 1996, date de la mort de Jacques Mercanton, écrivain vaudois… romand… français…, on ne sait trop, tant l’homme et l’œuvre résistent à tout collage d’étiquette. C’est désormais un cliché de dire qu’il fut un grand Européen, à l’aise en Algarve autant qu’en Bavière. C’est surtout un géant méconnu des lettres françaises qui connaît le monde germanique comme peu de Français, et qui a fréquenté des personnalités aussi variées que Thomas Mann, James Joyce, ou l’islamiste Louis Massignon.

L’Eté des Sept-Dormants est un «roman de formation» (Bildungsroman) écrit sous la forme d’une chronique racontée par le narrateur, double de l’auteur. L’action se situe dans un cadre réel, aisément repérable, au bord du Danube, en aval de Passau. L’époque est moins précisée, années cinquante ou soixante, signalée par quelques détails. Waldfried, pension d’été pour adolescents, compose une sorte de civilisation en miniature où alternent des moments d’exaltation magnifiés par la nature ou l’art – la musique surtout –, et des drames que précipitent les passions des êtres. Ce monde est régi par la personnalité envoûtante mais ambiguë de Maria Laach. La prose classique et ample de Mercanton exige du lecteur qu’il se coule dans la musique lente et mystérieuse d’un style qui ne supporte pas un parcours cursif et distrait.

C’était la rentrée littéraire il y a tout juste quarante ans. Pascal Lainé avait remporté le Goncourt avec La Dentellière.

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