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Les armoiries de la Renaissance vaudoise

Yves Gerhard
La Nation n° 2000 5 septembre 2014

Les armoiries ont toujours fasciné Marcel Regamey: collégien à Lausanne, il a rédigé un travail de vacances intitulé «Nos seigneurs les évêques de Lausanne», dans un gros cahier dans lequel chacun des évêques, de Marius d’Avenches à Sébastien de Montfalcon, était décrit avec le dessin de son blason, soigneusement peint. Il dessinait aussi les armes des rois de France, dont il connaissait toutes les généalogies.

La devise imprimée sur chaque numéro de La Nation, «Si qua fata sinant», est celle de l’avant-dernier évêque du diocèse de Lausanne, Aymon de Montfalcon (oncle de Sébastien). Elle figure en bonne place, et en plusieurs endroits bien visibles, au Château cantonal, alors siège épiscopal, et à la Cathédrale, dans le massif occidental. Ce début de vers latin est tiré du premier épisode de l’Enéide de Virgile (I, v. 18): la déesse Junon avait un temple à Carthage, ville qu’elle chérissait et protégeait particulièrement, et par un oracle elle savait que si Rome était fondée par Enée, héros venant de Troie, Carthage serait détruite un jour par la nouvelle puissance; «faire d’elle la reine des nations, si toutefois les destins le permettent, c’est dès lors la volonté de la déesse et son ardent désir». La devise profane d’un évêque humaniste fut adoptée par la Ligue vaudoise, qui voit bien l’effort à faire pour réaliser ses ambitions.

L’intérêt pour l’héraldique se développe dans notre pays dès la Première Guerre mondiale et, grâce à la science de cet art que possédait Frédéric- Théodore Dubois, les communes qui n’en avaient pas acquièrent peu à peu leurs armoiries (voir le tome 4 de l’Encyclopédie, L’Histoire vaudoise, pp. 72-74). Lors des fusions de communes, mouvement amorcé dans notre Canton depuis le début de ce siècle, on sait à quel point les citoyens sont sensibles aux nouvelles armoiries.

Marcel Regamey a donc mis à profit ses connaissances de l’héraldique et de l’histoire pour imaginer les armoiries du Mouvement de la Renaissance vaudoise. Il les décrit en 1933, dans le no 33 de La Nation (on retrouve ce texte dans la brochure Le Pays de Vaud est-il une patrie? ; voir aussi Le Chemin de Marcel Regamey, CRV n o 116, pp. 198- 200).

La question qu’il s’est posée est la suivante: à quelles périodes de son histoire le Pays de Vaud a-t-il joui d’une certaine indépendance? La date de 1803 et l’accession au rang de canton suisse imposent les couleurs verte et blanche du drapeau cantonal. Le régime bernois marque une période de sujétion, il n’y a donc pas de petit ours dans un des angles du blason! La période savoyarde fut une grande époque pour notre pays: les terres éparses ont été rassemblées grâce à la fine diplomatie et aux moyens financiers de Thomas et de Pierre de Savoie, au XIIIe siècle, puis Pierre est devenu, à la fin de sa vie, comte de Savoie; mais le Pays de Vaud est resté terre de droit coutumier, alors que les Etats de Savoie disposaient d’un droit écrit. Les successeurs de la dynastie savoyarde ont été constamment appréciés et acclamés dans leurs déplacements en terre vaudoise, contrairement au Valais ou à Genève, où ils furent traités en ennemis. Cette période est rappelée par la croix dont les branches atteignent les bords. Sur fond rouge, elle est toujours le drapeau de la Savoie (devenue française en 1860).

La lance placée verticalement rappelle le Second Royaume de Bourgogne transjurane, ou période rodolphienne. Au partage de l’Empire de Charlemagne, le Pays vaudois – ce nom apparaît dans les textes en 765 déjà sous la forme Pagus Waldensis – fait partie des terres de la Lotharingie, comme l’ensemble de l’actuelle Suisse romande, puis Rodolphe Ier fonde la dynastie; son fils Rodolphe II épousa la reine Berthe et reçut la sainte lance, dite de saint Maurice, comme insigne de son pouvoir. Elle se transmit aux empereurs du Saint-Empire germanique et elle est conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Elle orne le dos de tous les Cahiers de la Renaissance vaudoise depuis 1960.

La croix rappelle la foi chrétienne, et la lance le pouvoir de l’Etat cantonal, héritier des divers princes qui ont dirigé le pays.

Les dates de ces trois périodes de l’histoire vaudoise:

– 888-1032: Second Royaume de Bourgogne transjurane

– XIIIe siècle-1536: période savoyarde

– dès 1803: période cantonale.

Les armoiries de la Renaissance vaudoise se blasonnent ainsi: «De sinople à la croix d’argent chargée en pal de la lance de Bourgogne de sable.»

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