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Le meilleur système de santé du monde

Jean-François Luthi
La Nation n° 2000 5 septembre 2014

A moins d’un mois de la votation sur la caisse-maladie publique, les arguments se durcissent et l’on voit poindre quelques fallacieuses affirmations. On peut être pour le moins surpris de lire dans la dernière édition de Pages de gauche qu’une étude de l’OMS de l’an 2000 «faisait ressortir le fait que la France est le pays doté du meilleur système de santé au monde», alors que les «Etats-Unis n’occupent que le 37e rang. La Suisse était classée vingtième».

C’est bien sûr intéressant pour un journal d’opinion socialiste de citer la France de manière si élogieuse, s’agissant d’un pays à très forte centralisation et étatisation de son système de santé, comme le souhaitent les auteurs de l’initiative pour la Suisse.

On ne peut toutefois que réagir à ce type d’information. D’abord, pour quiconque a quelques notions de statistiques, présenter des chiffres vieux de quatorze ans dans un domaine en constante évolution n’est tout simplement pas sérieux, d’autant que l’OMS, avec deux à trois ans de retard, publie annuellement son rapport mondial sur les compilations des systèmes de santé de ses 193 Etats membres!

Ensuite, l’OMS est beaucoup plus prudente dans ses jugements, l’analyse d’un système de santé étant par essence particulièrement ardue.

Les indicateurs de santé publique sont très nombreux et, de fait, le poids à attribuer à chacun d’eux est un exercice des plus délicats.

Il y a dans ces rapports les grands indicateurs sanitaires mondiaux, tels que l’espérance de vie, la mortalité des nourrissons, celle des adultes, la prévalence de la tuberculose et de bien d’autres maladies. Puis l’OMS s’intéresse aux facteurs de risque dans les différentes populations, du déficit pondéral à l’obésité, du tabagisme à la consommation d’alcool.

Viennent les indicateurs concernant l’effectif du personnel de santé, médecins, infirmières, sages-femmes, celui des pharmacies, des lits d’hôpitaux, de la disponibilité des médicaments. Ensuite, les dépenses de santé sont analysées en détail pays par pays. Qui les finance, avec notamment la part de l’Etat. Ceci est mis en relation avec les statistiques démographiques et socio-économiques, comme la pyramide des âges, le taux de fécondité, le revenu national brut par habitant, etc.

Prudemment, l’OMS conclut en évoquant le fait que le niveau des finances à allouer au système de santé est un choix social, et qu’il n’y a pas de réponse unique. Cela souligne que certaines populations s’accommodent de systèmes de santé beaucoup plus précaires que le nôtre: le rapport à la mort, et dans l’ensemble, la tolérance à une certaine précarité de la vie permettent tant bien que mal d’accepter un niveau de soin fort éloigné du nôtre. Il n’en demeure pas moins que des dépenses inférieures à 60-80 dollars par année et par habitant n’autorisent pas d’avoir un niveau de soins suffisant.

Ainsi, les données factuelles livrées par l’OMS ne permettent pas de déterminer le meilleur système, en raison même de la pondération accordée à tel ou tel critère. Certains s’y sont essayés, mais cela dépend donc souvent de l’indicateur retenu comme prépondérant. Il est tout de même évident que les pays occidentaux disposent des systèmes les plus performants.

Par exemple, Bloomberg a voulu établir un classement centré sur l’efficacité, se basant sur trois critères: l’espérance de vie, le coût par habitant et la part du PIB consenti aux dépenses de santé. Le résultat montre que Hong Kong serait en tête devant Singapour, la Suisse se retrouve 9e, la France 19e, et les Etats Unis 46e. Cela est surtout dû au coût par habitant qui est le plus élevé du monde aux USA, devant la Suisse.

Un autre classement prend comme critère les attentes de la population: là, les Etats-Unis sont en tête devant la Suisse. La France n’est pas dans les neuf premiers.

Le classement dépend donc des critères retenus. Pour notre part, l’évaluation par la population paraît très intéressante, étant entendu que les indicateurs de l’OMS placent d’emblée ces systèmes dans le peloton de tête.

Se fier aveuglément aux statistiques a toujours été un jeu dangereux, car la façon de les présenter, et le choix des critères soumis à statistiques sont à l’image de la science: elles représentent une part de vérité seulement, à un moment donné, qu’il convient de replacer dans son contexte avant d’en tirer un jugement. Pas de raison, donc, de copier le système français le 28 septembre prochain.

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