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Les risques de 1940 réévalués

Roberto Berhard
La Nation n° 2000 5 septembre 2014

Le Pays de Vaud, patrie intime du général Henri Guisan, commandant en chef de l’armée suisse de 1939 à 1945, prendra connaissance avec intérêt des résultats des nouvelles recherches qui font penser que les chances de notre armée en 1940 étaient meilleures que ce qu’on avait cru jusqu’à maintenant. Un ingénieur alémanique à la retraite, M. Hans Richard, jadis collaborateur de l’aviation helvétique, vient de publier un livre d’environ 130 pages, qui contient des informations insolites1. Elles sont notamment le fruit de recherches effectuées dans des archives officielles allemandes, anglaises et fédérales. Les travaux de M. Richard ont été suivis de près par des officiers supérieurs de nos forces aériennes, dont un aficionado de l’histoire militaire.

On peut supposer que l’annexion allemande de la Suisse aurait eu lieu si la Grande-Bretagne n’avait pas résisté aux attaques des forces aériennes nazies. M. Richard démontre, statistiques et graphiques à l’appui, le fait souvent méconnu que, pendant la Bataille d’Angleterre, la production d’avions de chasse de la Royal Air Force a dépassé celle des Allemands. M. Richard rappelle que les pertes allemandes en hommes, blindés et avions pendant la Bataille de France furent sensiblement plus sévères que celles qu’a retenues la mémoire collective. Et pendant la Bataille d’Angleterre le nombre de chasseurs allemands disponibles à toute heure a fini par être inférieur à celui des Britanniques, en automne 1940. La Luftwaffe ne s’est jamais remise de ces pertes.

La France ayant demandé l’armistice en juin 1940, la Wehrmacht a commencé à planifier une invasion éventuelle du territoire suisse. Des avions de reconnaissance photographiaient soigneusement le Jura suisse. Même le chef de l’EMG allemand inspecta la situation frontalière le long du Jura. Il conclut que les positions suisses étaient «fortes».

Le nombre des divisions qui auraient été lancées contre la Suisse était étonnamment grand. Mais M. Richard vient de découvrir que l’engagement de la Luftwaffe face à l’Angleterre et les pertes qu’elle y avait subies avaient réduit de manière importante le nombre d’avions allemands disponibles pour couvrir l’opération «Tannenbaum» prévue contre la Suisse.

Il s’agissait d’avions de chasse modernes au nombre d’environ 100 du côté allemand contre 168 avions, également modernes, du côté suisse, ainsi que d’environ 100 Stukas (pour bombardements en piqué) contre 77 avions C 35 helvétiques (sous-estimés en raison de leur configuration désuète de biplans, mais munis de certains équipements très modernes et assurant des performances approchant celle du Junker 87 des Allemands). Il est vrai que la Luftwaffe disposait en plus d’environ 100 avions de reconnaissance rapprochée et d’intervention au sol, des monomoteurs à train fixe du type Henschel Hs 126.

L’estimation allemande selon laquelle l’aviation suisse était «faible» était donc inexacte. Les canons DCA allemands étaient au nombre de 400, les suisses de 397. Ce qui en ressort, c’est que les possibilités de l’aviation militaire et de la DCA suisse n’étaient pas si mauvaises, et encore moins désespérées, qu’on l’avait cru.

M. Richard ajoute que les chars de combats allemands auraient dû percer le Jura en empruntant des passages étroits qui ne leur auraient pas permis de se déployer convenablement. Leur file indienne y aurait subi des risques considérables. Si les découvertes de M. Richard sont exactes, la Wehrmacht aurait rencontré en Suisse plus de difficultés qu’escompté.

Mais soyons clair: ces faits n’auraient jamais justifié une renonciation à la stratégie du Réduit national pour lequel le général Guisan s’est décidé en 1940 après la chute de la France.

Notes:

1 Hans Richard, September 1939 und 1940, Schicksalsmonate für die Schweiz und Europa, Editions Staempfli, Berne 2011.

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