A propos du fait historique
Certains prétendent que le fait concret est inconnaissable et que, dès lors, le seul objet de la recherche historique est de savoir quels critères idéologiques ont déterminé, chez tel historien, le choix des faits et l’interprétation générale qu’il en donne.
Il n’y aurait donc plus d’histoire du passé proprement dit, seulement une étude des divers discours historiques que différentes écoles tiennent à propos d’un passé inconnaissable en lui-même.
L’objection n’est pas absolument sans fondement. C’est vrai que nous ne connaissons pas l’être profond de la personne qui est en face de nous, ni même le mystère de l’existence du moindre ciron, du moindre grain de sable. C’est une affirmation constante de la pensée réaliste qu’il n’y a pas de connaissance de l’individuel, sinon, ajouterons-nous, par l’approche poétique.
Cela signifie qu’il est d’autant plus important de relier les faits entre eux, car c’est ce réseau qui nous permet de les cerner. Au fond, nous connaissons mieux le réseau que les choses qu’il relie.
Pour autant, l’examen minutieux d’autres faits semblables permet de dégager des similitudes et des différences.
Les renseignements, classés dans le temps et l’espace, se répètent, se recoupent et se mettent en lumière les uns les autres, appellent les corrections de l’historien. De cette prudente mise en ordre, on tire certaines règles générales, on dégage la signification et l’importance relative du fait qui nous intéresse.
Le recours aux sciences, aussi bien les sciences dites auxiliaires, comme la sigillographie, la numismatique, la généalogie ou la linguistique, que les sciences dures, comme la chimie, permet de vérifier ou de rejeter telle hypothèse.
Trop loin du fait, nous ne le voyons pas. Trop près, il se dissout dans ses parties et, encore plus près, ses parties à leur tour se dissolvent. Nous sommes condamnés à une approche moyenne qui nous donne une connaissance moyenne.
Mais ne pas tout connaître d’une chose ne veut pas dire n’en connaître rien.
Il n’est donc pas absurde d’affirmer qu’un historien bien formé, méthodique et honnête arrive à dépasser sa propre idéologie ou celle de son temps pour atteindre une certaine (c’est déjà beaucoup) objectivité historique… et qu’il ne s’agite pas dans le vide et le mensonge quand il se consacre à ce qui fut toujours l’objet propre de sa discipline, l’étude du passé.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Chronologique ou thématique, nous avons besoin d’histoire vaudoise – Editorial, Olivier Delacrétaz
- L’histoire vaudoise pour les non Vaudois – Cédric Cossy
- Ils virent qu’ils étaient nus – Jean-Blaise Rochat
- «Que faire des milliers de nouveaux civilistes?» Leur donner des fusils! – Félicien Monnier
- Aventures argentines III – Cosette Benoit
- Le retour des hérésies – Lionel Hort
- Les 150 ans de Richard Strauss – Jean-François Cavin
- Evitez d’éteindre les incendies avec de l’essence! – Le Coin du Ronchon
- Une fausse note bienvenue – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Futurologie médicale – Jean-François Luthi
- Quand la presse découvre les règles de l’économie – Pierre-Gabriel Bieri
- Ennemis intimes – Jacques Perrin
- Augustin d’Hippone, la perception du temps – Laurent Paschoud
- Ils ont osé – Ernest Jomini
- L’irréductible pasteur Goll de Frank Bridel – Jean-Jacques Rapin
- Opéra transposé, opéra trahi? – Jean-François Cavin
- Gastrosuisse et la TVA – Jean-François Cavin
- Pas de boucan pour les toucans – Le Coin du Ronchon